*Prénom modifié

 

Comment l’épuisement professionnel s’est installé – éléments de contexte

Kathelyn venait d’arriver sur une nouvelle affectation géographique en tant que responsable de formations. Ce nouveau poste comprenait davantage d’activités et elle se retrouvait affectée sur deux sites différents au sein d’une même ville.

Assez rapidement, deux difficultés se sont présentées :

  • Il n’y a pas eu de passation avec l’ancienne personne qui était positionnée sur le poste et qui restait sur l’un des sites en conservant des prérogatives liées au poste de Kathelyn. Par ailleurs, sur ce site (30% de son temps de travail) elle n’avait pas accès à un bureau et la personne qui occupait son poste pratiquait activement la rétention d’informations.
  • Il n’était pas clair pour l’ensemble des collègues de Kathelyn qu’elle était positionnée à 40% sur un site et 70% sur l’autre.

Ci-dessous une vignette théorique peut venir partiellement éclairer ces éléments qui venait entraver le quotidien professionnel de Kathelyn.

Focus théorique

 

Pour Crozier (1977), il y a quatre sources de pouvoir en entreprise :

1. La hiérarchie et le statut des personnes

2. L’expertise avec les compétences détenues

3. L’information et sa rétention ou sa diffusion

4. L’environnement et les acteurs extérieurs

 

Kathelyn a alerté sa/son supérieur·e hiérarchique des difficultés rencontrées sur l’un des sites et du manque de communication mettant en péril l’accomplissement d’une partie de ses tâches. Néanmoins, cela n’a pas été suivi d’effets concrets malgré d’autres remontées du même ordre à d’autres personnes de la ligne managériale et des ressources humaines.

Kathelyn a tenté d’objectiver la répartition de son temps de travail et de ses missions sur les différents sites afin de rendre plus intelligible sa présence plus fréquente sur l’un des sites. Par ailleurs, cela lui a permis de pointer le fait que les trajets entre les deux sites (temps, coûts) n’étaient pas considérés comme du travail effectif.

Enfin, le positionnement géographique du site sur lequel elle exerçait une part moins élevée de son activité nécessitait qu’elle parte plus tôt pour pouvoir récupérer son enfant à l’école. Dès lors, elle s’efforçait d’écourter au maximum ses pauses déjeuner, voire de manger à son poste, pour compenser.

 

Les signes du burn-out

 

Kathelyn se sentait de plus en plus mal, mais dans un fond global de déni. Aussi, elle mettait sa fatigue professionnelle en lien avec son récent déménagement et son enfant qu’elle élevait seule plutôt qu’avec l’organisation de son poste.

Un matin, alors qu’elle se trouvait dans les embouteillages, elle s’est sentie particulièrement perdue en réalisant qu’elle ne savait pas où elle se rendait. Cet étrange – et inédit – sentiment de perdition, elle l’a mis sur le compte de sa fatigue.

Le point de non-retour a été franchi lorsqu’elle a reçu un mail l’informant de son rattachement au site sur lequel elle réalisait seulement 30% de son activité de travail. A la lecture de ce dernier, elle a rangé tout son bureau et a quitté son poste.

Ne sachant pas si elle aurait la capacité de revenir le lundi, elle a pris RDV avec son médecin généraliste. Celui-ci lui a prescris 15 jours d’arrêt maladie et l’a informé qu’il renouvellera cet arrêt par mois par la suite pour qu’elle ait le temps dont elle a besoin.

Les trois premières semaines, Kathelyn ne fait que dormir et amener/ramener son enfant à l’école.

Elle avait un suivi par son médecin uniquement, mais ce dernier était très à l’écoute de sa situation.

 

Les éléments facilitants la sortie du burn-out

 

Kathelyn pratiquait parfois du sport, mais c’est lors de cet arrêt de travail que cela est devenu une passion. Elle avait besoin de « quelque chose pour évacuer ». Aussi, elle se rendait à une salle de sport quotidiennement pendant 1h. Elle a débuté par des exercices simples et a augmenté l’intensité petit à petit.

Elle a fait le choix de couper toute communication officielle avec le travail et envoyait simplement le renouvellement de ses arrêts maladie au service des Ressources Humaines et à une partie de l’équipe qu’elle manageait. Même si elle s’en « voulait un peu de les avoir laissé tomber », elle ne regardait ni ses mails ni son téléphone professionnel.

Elle avait besoin de routine et le sport s’y intégrait. Mais en réfléchissant à sa reprise future du travail, elle s’est mise à la course à pied car cela lui semblait plus compatible à garder de façon récurrente dans son planning que la salle de sport.

Ainsi, son arrêt maladie a duré trois mois et demi, à l’issue desquelles elle s’est sentie en capacité de reprendre son poste, à la condition de n’exercer que sur le site où elle avait l’essentiel de son activité. Cette requête a été obtenue lors d’un entretien avec sa/son responsable hiérarchique au cours duquel elle a évoqué le « harcèlement » qu’elle avait eu le sentiment de subir de la part de la personne qui occupait son poste auparavant. Par ailleurs, elle leur a fait lire un passage de leur convention collective traitant des sphères de vie professionnelles et personnelles.

Il y a deux éléments protecteurs qui jouaient en la faveur de Kathelyn que celle-ci explicite ainsi :

  • « On se sent toujours redevable de son employeur, pourtant je savais ce que je valais avant lui ». Ainsi elle se positionne comme compétente pour son poste au regard de ses années d’expérience.
  • « Je n’avais pas à subir leur manque d’organisation ». Kathelyn a été en mesure d’établir des limites car en prenant ce temps de recul sur la situation, elle a réalisé qu’il s’agissait d’un problème systémique avec une hiérarchie permissive aux dérives comportementales (rétention d’informations, pas d’accès à un espace de travail, etc.) et non d’une déficience personnelle.

Et ensuite ?

 

Si Kathelyn a été ravie de retrouver son équipe, elle a tout de même réalisé une reconversion professionnelle quelques mois plus tard et est entrée en formation l’année suivante. Elle a ensuite obtenu une rupture conventionnelle pour un projet de création d’entreprise.

A présent, elle a la capacité d’identifier les signaux faibles de fatigue professionnelle. Dans la poste salariée qu’elle occupe à présent la charge de travail a augmentée de façon significative l’an dernier et elle a fait le choix de demander un arrêt de travail avant même de se sentir mal, au moment où elle se sentait de plus en plus irritée, agacée, impatiente et fatiguée.

 

 

Le mot de la fin

 

« Ce serait mieux de pas tenter l’expérience pour savoir où sont les limites car ça laisse quand même des traces ».