Qu’est-ce que c’est le burn-out ?
D’où vient le syndrome d’épuisement professionnel ?
Le syndrome d’épuisement professionnel est le terme français pour “burn-out”. Dans le langage courant, ils s’utilisent de façon équivalente.
Introduit dans le vocabulaire médical dès 1959, l’épuisement professionnel est décrit par le médecin psychiatre Claude Veil comme “une rencontre entre un individu et une situation”. Les situations tout comme les personnes étant complexes et mouvantes, le concept n’est pas simple à définir. En revanche, on ne peut attribuer la responsabilité ni entièrement à un contexte donné, ni uniquement à une individualité. Il s’agit d’un état qui survient dans une situation spécifique au sein d’une organisation de travail pour laquelle une personne se sent dépassée par le stress professionnel, à ce moment-là de sa vie.
C’est en 1969 que la professeure Loretta Bradley utilise pour la première fois le terme anglophone “burn-out” afin de désigner une réponse inefficace à un stress directement issu du travail.
En 1974, Herbert Freudenberger – psychiatre et psychothérapeute – décrit métaphoriquement ce phénomène : “les gens sont parfois victimes d’incendie, comme le sont les immeubles”. Dans sa définition, le burn-out est “un état de fatigue ou de frustration résultant du dévouement à une cause, à un mode de vie ou à une relation qui n’a pas donné les bénéfices escomptés” (1981).
Initialement, les recherches portent d’abord sur les métiers d’aide à autrui, c’est-à-dire ceux du soin et de l’éducation, pour lesquels l’épuisement professionnel est récurrent. Désormais, les études portent sur toutes les sphères professionnelles car aucune n’est épargnée par la problématique du burn-out.
Actuellement, la définition du burn-out s’accorde majoritairement pour inclure trois dimensions majeures :
- l’épuisement émotionnel ;
- la dépersonnalisation ou le cynisme ;
- le sentiment de non-accomplissement.
Cet aspect tridimensionnel a été mis en exergue par Christina Maslach, chercheuse en psychologie sociale et Susan Jackson – psychiatre-chercheuse du travail.
L’épuisement émotionnel correspond à un sentiment d’être drainé de toute forme d’énergie physique et émotionnelle, et ce, indépendamment des temps de récupération. Aussi il s’agit d’un état de fatigue chronique.
La dépersonnalisation se manifeste par une baisse d’intérêt envers autrui et les occupations professionnelles habituelles. Ainsi, les usager·es/client·es/patient·es (suivant le métier exercé) sont petit à petit déshumanisé·es et deviennent comme des objets.
Enfin, le sentiment de non-accomplissement se traduit par une mise en retrait, une dépréciation de ses accomplissements, une dévalorisation de soi et un sentiment de ne pas être à la hauteur de ce que les autres (collègues, hiérarchie, usager·es, etc.) attendent.
Même si cette définition est communément admise, le “burn-out” demeure encore aujourd’hui délicat à définir et à diagnostiquer pour les personnes qui n’y sont pas sensibilisées.
Quels sont les signes d’un burn-out ?
Les manifestations de l’épuisement professionnel sont variées. Le corps peut se montrer particulièrement créatif et on recense plus d’une centaine de troubles divers (Schaufeli & Enzmann, 1996). Cela peut concerner le sommeil, l’alimentation, les douleurs musculo-squelettiques, les dermatites, la nervosité, l’affaiblissement des défenses immunitaires, etc.
Au-delà des symptômes physiques et corporels, on note aussi des manifestations émotionnelles, attitudinales, motivationnelles et comportementales. Cela peut concerner la réduction ou la disparition des pratiques sportives, l’apparition ou l’augmentation des addictions, l’agressivité, la détérioration des relations personnelles et professionnelles.
De plus, les changements entraînés par le burn-out s’observent à un niveau personnel, mais aussi interpersonnel (collègues, hiérarchie, famille, ami·es, etc.) et organisationnel.
Les signes d’alerte du burn-out ressemblent à ceux d’autres maladies psychiques et/ou physiques, telles que la dépression ou le stress post-traumatique. Pourtant, l’épuisement professionnel est lié à la sphère travail en premier lieu, et lorsqu’il n’est pas pris en considération à temps peut déteindre sur d’autres sphères de vie.
L’épuisement professionnel commence par des signaux faibles qui sont délicats à repérer pour soi, comme pour autrui – à plus forte raison lorsque l’on est pas familier avec cet état. Cela peut débuter par du travail en dehors des heures classiques, des réveils matinaux avec des pensées liées aux tâches professionnelles, etc. Les signaux faibles s’installent pour ensuite devenir des signaux forts, c’est-à-dire des manifestations plus évidentes de burn-out. Dès lors, l’entourage professionnel a davantage tendance à le remarquer et les proches à s’en inquiéter.
Le burn-out est-il une maladie professionnelle ?
En France, le burn-out est pour l’instant inscrit comme “un phénomène lié au travail”, mais pas comme une maladie professionnelle à part entière.
En fait, les troubles psychiques ne font pas partie des tableaux de classification actuels. Cependant, depuis la Loi Rebsamen (2015) les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme ayant une origine professionnelle – à condition que la personne concernée passe devant un comité régional qui viendrait constater que sa maladie est effectivement directement et essentiellement causée par son travail habituel.
Très peu de personnes réalisent ce parcours et, de fait, peu de burn-out sont recensés par ce biais. Une proposition de loi a été déposée par François Ruffin (2018) pour que l’anxiété généralisée, la dépression, l’épuisement professionnel et le stress post-traumatique soient reconnus comme maladies professionnelles, mais cela a été rejeté par l’Assemblée Nationale.
Comment sortir d’un burn-out ?
Il n’existe malheureusement pas de recette miracle pour se remettre d’un burn-out dans la mesure où cet épuisement s’exprime de façon diverse pour chacun·e. En fonction de la gravité de l’épuisement professionnel il est possible qu’un traitement médicamenteux soit nécessaire, en passant par un·e médecin psychiatre. Par ailleurs, un plan d’action peut être co-construit avec la personne chargée de l’accompagnement individuel.
Dans ma pratique, j’invite les personnes à verbaliser les signaux faibles de leur épuisement professionnel, les éventuels points de bascule et les ressources à leur disposition. L’objectif est de faire en sorte que cet état ne survienne plus et que lorsqu’il commence à y avoir un glissement en ce sens, les individus soient en capacité de prendre du recul et de demander de l’aide et/ou des aménagements dans leur quotidien professionnel et personnel.
De façon concrète, la remontée de la pente s’opère différemment en fonction des personnes et de leur style de vie. C’est pourquoi je vous proposerai dans les prochains articles quelques récits de personnes volontaires pour partager les éléments qui les ont aidé à aller mieux. Ces histoires peuvent vous permettre de piocher quelques idées et, si cela est pertinent, de vous en inspirer dans votre propre parcours de guérison.
D’ici là, prenez soin de vous et de vos proches.
Références
Bradley, HB. (1969). Community-bases treatment for young adult offenders. Crime & Delinquency, vol.15, p. 359-370.
Freusenberg, H.J. (1974). Staff burn-out, J Soc Issues, 30:159.
Jackson, S. Leiter, M., Maslach, C. (1996). Maslach Burnout Inventory Manual. Palo Alto, CA : Consulting Psychologists Press.
Maslach, C. (1976). Burned-out. Human Behavior, vol.5, n°9, p. 16-22.
Schaufeli, W.B., & Enzmann, D. (1998). The burnout companion to study and practice: A critical analysis. Philadelphia: Taylor & Francis.
Veil, C. (1959). « Les états d’épuisement ». Le Concours médical, Paris, p. 2675-2681.
Pour rédiger cet article, je me suis principalement appuyée sur mes accompagnements individuels en matière de souffrance au travail ainsi qu’un de mes mémoire de recherche traitant des risques psychosociaux, mais également sur les travaux suivants :
- La thèse de Marine Dumont (2016), dirigée par le Dr. Arnaud Metlaine. “Approche biologique et psychométrique du syndrome d’épuisement professionnel : étude cas-témoins comparant 54 auditeurs financiers en burnout versus 86 témoins”;
- Le rapport 16-01 de l’académie de médecine concernant le burn-out.
- Les tableaux des maladies professionnelles de l’Institut National de Recherche et de Sécurité